Lukas Shaver parle constamment avec une conviction calme. C’est une voix que l’on veut écouter. C’est la voix d’un leader clé d’une unité défensive historique et dominante des années 1997 à 2000 qui forme maintenant les membres des Forces canadiennes à piloter un aéronef C130. Il résume clairement son modèle de réussite. « Votre niveau de dévouement envers la préparation mène à la confiance et cette confiance est contagieuse. »
C’est la confiance qui a initialement amené le plus vieux frère Shaver à l’Université et au programme de football dirigé par Larry Ring en 1997, alors que les Gee-Gees étaient doubles champions en titre de la Coupe Dunsmore. « Le programme entier avait une confiance arrogante », dit-il. Le coordonnateur défensif Mike White était le responsable du recrutement et du développement de Shaver : « il m’a vraiment ouvert les yeux sur ce que je pouvais apporter », mentionne Shaver.
Shaver a commencé à jouer au football lorsqu’il habitait en Allemagne. Les forces armées ont toujours fait partie de la vie de Lukas et de ses frères : il représente la troisième génération de pilotes militaires. Bien que cette carrière ait commencé plus tard, c’est sur la base militaire, avec ses camarades de classe internationaux en Allemagne, que le sport compétitif est entré dans sa vie. Lorsque la famille est retournée vivre à Ottawa alors que Lukas était en 11e année, il était prêt à faire la transition vers le football, canadien cette fois.
« Il était robuste, rapide et intelligent », note son frère Mike qui s’est aligné avec Lukas avec les Dukes de Gloucester et qui se souvient des signes subtils de leadership. « Il était toujours le mieux habillé sur le terrain, ce qui allait avec ses compétences supérieures, et la plupart des joueurs essayaient d’imiter son style. »
Les Gee-Gees ont atteint la finale de la Coupe Vanier en 1997, l’année recrue de Shaver au cours de laquelle il a été retenu sur les lignes de côté en raison d’une maladie et de blessures récurrentes au sein d’un groupe chargé de vétérans. Néanmoins, White a vu son potentiel et a nommé Shaver capitaine de la défensive en 1998. « Je ne suis pas du genre à faire des discours endiablés, mais ça voulait dire que je devais faire quelque chose. J’ai mené par l’exemple et je me suis concentré à devenir meilleur. »
« Nous avions plusieurs capitaines en défensive, mais Luke était le plus admiré », indique Mike, qui a rejoint Luke chez les Gee-Gees comme centre-arrière en 1998. « Luke menait principalement par son jeu, il semait la peur chez les adversaires qui devaient traverser sa zone de couverture. Ces défensives travaillent très fort, elles étaient très efficaces et les gars semblaient avoir beaucoup de plaisir à jouer ensemble. » Mark Pretzlaff, Frantz Jacques et Pierre Landry ont joint Shaver sur les équipes d’étoiles canadiennes défensives au cours de sa carrière.
Après la douloureuse défaite à la Coupe Vanier en 1997, les Gee-Gees sont revenus avec d’excellentes équipes en 1998 (6-2) et 1999 (8-0). En 1999, Ottawa a été éliminé à la Coupe Dunsmore par Laval. « Ils nous ont écrasés », mentionne Lukas au sujet de la défaite de 38-6. « C’était une dégelée et les gars l’ont utilisée comme motivation pour notre préparation la saison suivante. »
En 2000, Shaver avait un sentiment spécial dès le départ. « Nous avions un noyau central de gars qui étaient ensemble depuis longtemps et le football était tout ce que nous faisions. Nous avons bâti ces relations et il n’y avait pas de cliques. Nous étions une équipe, tout le monde a embarqué et s’est dévoué à atteindre un objectif commun : la Coupe Vanier. »
Encore une fois, Laval occupe une place importante dans ses souvenirs. Après avoir amorcé la saison 2000 avec des victoires de 35-1 et de 24-0, le Rouge et Or a décroché une victoire de 14-9 lors d’une journée froide et pluvieuse au parc Lansdowne. « Cette journée-là, on avait l’impression que rien ne fonctionnait, mais personne n’a paniqué. Nous avons continué à suivre le plan et nous nous sommes concentrés sur l’objectif final. »
« Le niveau de détails, de réflexion, d’intelligence dans notre planification hebdomadaire était la preuve du dévouement du personnel d’entraineurs. Nous l’avons probablement tenu pour acquis à certains moments », enchaine Lukas. « Marcel avait une excellente approche, il était à l’écoute de ses joueurs et tout le monde était organisé. »
Pour Shaver, le match de la Coupe Vanier semble n’avoir duré qu’une fraction de seconde, alors que les Gee-Gees ont vaincu les Rams de Régina 42-39, le plus haut pointage de l’histoire lors d’un match de championnat national. « Ce qui me revient, c’est mon intuition. Le résultat a toujours été une certitude dans mon esprit. »
Il se rappelle également la résilience de l’attaque d’Ottawa menée par le quart-arrière Phil Cote. « Nous étions en train de jouer sur la plus grande scène qu’il y avait et tout le monde à l’attaque a eu la chance de briller – mon frère a joué ridiculement bien – et j’ai été épaté par la réussite constante de l’offensive durant le match. »
« C’était de la joie pure en deuxième demie, de pouvoir jouer le match en pensant que rien ne peut t’arrêter de gagner le championnat », soutient Mike, qui a marqué un touché de 27 verges au deuxième quart pour porter la marque à 21-7 et qui a amassé 42 verges au sol, tandis que Lukas a enregistré deux plaqués dans la rencontre. « Quand j’ai regardé la vidéo, c’est à ce moment que j’ai réalisé à quel point Regina a réduit l’écart en deuxième demie. »
Une fois que le sifflet final s’est fait entendre, Shaver est monté sur la scène pour recevoir la Coupe Vanier et la bannière de championnat. « J’ai des flashs de la cérémonie et des célébrations, c’était le meilleur moyen de terminer l’Université. C’était l’apogée de ma carrière de football. »
Le football ne s’est pas arrêté là pour Lukas puisque les Stampeders de Calgary l’ont repêché en 2001 à la suite d’une excellente prestation au camp d’évaluation de la LCF. Il s’est retrouvé au sein des unités spéciales de Winnipeg en 2001 et 2002. En 2002, Mike était à nouveau son coéquipier.
« Voir la réussite de Mike était presque encore mieux que la mienne. Regarder Lee jouer plus tard, en suivant la saison sur Internet, était une expérience complètement différente. C’était vraiment bien de pouvoir la vivre par procuration avec lui. » Lee a été demi défensif avec le gris et grenat de 2005 à 2010 et il a porté le chandail numéro 3; Lukas a vêtu l’uniforme numéro 1 et Mike le numéro 2.
« Quand je suis arrivé à Ottawa, je n’avais pas été recruté », indique Mike. « Personne sauf Carleton ne m’avait demandé si je voulais jouer au football, mais je voulais aller à l’Université d’Ottawa parce que c’est là que Luke était allé. Je n’aurais honnêtement même pas pensé jouer au football universitaire si Luke ne l’avait pas fait avant. Après ça, je crois que c’est devenu une tradition familiale de jouer au football pour Ottawa. »
Après la saison 2002 de la LCF, Lukas a fait le choisir de quitter le football pour continuer une autre tradition familiale. « Il n’y avait pas de plan directeur », mentionne-t-il au sujet de sa décision de postuler pour joindre les Forces canadiennes. « Ce n’était assurément pas mon premier choix, mais c’était une option. » N’ayant jamais volé auparavant, Lukas a « entamé un nouveau chapitre » et il est devenu un pilote.
« Le Canada a été plutôt actif durant ma carrière militaire, j’ai eu des occasions merveilleuses de me rendre partout dans le monde », note le capitaine Shaver, qui compte 5000 heures de vol à bord du C130 et du A130 et qui a reçu une médaille pour services éminents de l’OTAN pour sa contribution à l’opération Unified Protector de l’OTAN en Libye.
« Je crois que son service envers notre pays est vraiment important. Il peut regarder en arrière et constater qu’il a aidé beaucoup de gens à avoir une vie meilleure en raison de ses affectations, comme celle d’amener des réfugiés de la Syrie en avion », souligne Mike, qui lui est pompier. « L’un de mes meilleurs souvenirs, c’est lorsqu’il a annoncé le début du match des Blue Bombers lors des célébrations de la journée des militaires directement de la cabine de pilotage de son Hercules en survolant le stade. Combien de personnes ont la chance de jouer pour une équipe puis de survoler à toute vitesse leur stade? »
Pour quelqu’un qui a vécu tant d’expériences, Lukas ne s’attarde pas aux détails du passé. La conviction calme demeure néanmoins présente.
« Je me souviens des hauts et des bas, de chaque saison dans son ensemble. Je crois que mon intronisation, tout comme les honneurs individuels que j’ai reçus, reflète l’équipe. Tout le monde se soutenait dans cette équipe et nous avons connu du succès grâce à l’altruisme de chacun, tout le monde était dévoué à 100 % à cette équipe. »
« Ces quatre années ne sont qu’une petite période. À cet âge-là, tu ne comprends pas tout et ça passe en un claquement de doigts. C’étaient les jours de gloire et mon expérience avec les Gee-Gees était la plus agréable de ma carrière de footballeur. »