Intronisations au Temple de la renommée du football des Gee-Gees : portrait de Frantz Jacques
Une croyance collective et des héros de quartier
Frantz Jacques a grandi en admirant un héros de son quartier de Montréal. C'est lui qui l'a initié au football et lui a offert une voie vers la réussite.
« Je viens d'un petit quartier dur, avec des gangs et de la violence. Je voulais y représenter quelque chose de positif », explique Frantz Jacques. Ce héros, c'était Aldi Henry, qui allait être recruté par l'Université Michigan State et ultimement dans la LCF. « On était un groupe de voisins qui essayaient tous ensemble de rester dans le droit chemin. On jouait au football-toucher, on essayait de montrer l'exemple, de se sortir de là. »
« L'objectif, c'était d'être reconnu comme un leader, un héros. Mon rêve, ce n'était pas seulement mon rêve : c'était celui de tous les habitants du quartier », poursuit-il.
Cet esprit collectif est un leitmotiv dans la vie de Frantz. Ses coéquipiers des Gee-Gees se souviennent bien des discours d'avant-match où il leur rappelait avec passion l'importance de croire l'un en l'autre. Il faisait partie d'un groupe de joueurs montréalais qui avaient décidé de venir jouer à Ottawa ensemble. Depuis son départ du gris et grenat, il consacre son temps à agir à titre de modèle positif et de mentor pour les jeunes de Gatineau.
« J'ai fait ce que j'ai fait pour moi-même, mais aussi pour la communauté, pour tous les enfants qui rêvent de s'améliorer et d'aller loin. Je suis le parfait exemple que tout est possible si on est prêt à faire les efforts nécessaires. »
Frantz Jacques a d'abord joué chez lui avec les Hornets de Montréal, une équipe du programme Jeunesse au soleil. Il a ensuite joint les rangs des Spartiates du Cégep du Vieux Montréal, avec qui il a remporté le Bol d'Or, puis il a pris le chemin de Kansas City, où il a joué une saison pour l'équipe du collège Coffeyville. Celui qui allait devenir enseignant a aussi fait les efforts nécessaires en classe : « J'avais de la difficulté à l'école, mais j'essayais de m'améliorer. Ça a pris du temps, et du travail, mais j'y suis arrivé. »
En 1999, Frantz et d'autres joueurs de Montréal se trouvaient à la croisée des chemins. « C'était unique, parce que Dufault, Nadeau, Steve Alexandre… il y a des gars qui étaient avec moi au Vieux, d'autres qui venaient d'autres cégeps, explique le demi de coin. Il y avait aussi quelques gars qui sont revenus des États-Unis à peu près au même moment. On s'entraînait ensemble à la piste, et on est allés visiter Ottawa ensemble. »
« On a bien aimé l'ambiance, et la façon dont Coach [Mike] White nous parlait, se remémore-t-il. En revenant à Montréal, on a pris une décision de groupe. On s'est dit "si on y va, c'est pour gagner la coupe Vanier." On est parti en mission. »
Frantz Jacques a connu du succès dès sa première campagne dans l'uniforme des Gee-Gees. Au cours de la saison 1999, il a cumulé 34 plaqués au poste de demi de coin et aidé l'équipe à clore la saison régulière avec une fiche parfaite. Il se souvient de la façon dont ses coéquipiers de Montréal et lui ont dû s'intégrer aux autres joueurs originaires de partout au pays.
« L'équipe de 1999 était spéciale. On avait des gars des quatre coins du Canada. Former une équipe unie, disons que ce n'était pas simple. Nous, on débarquait de Montréal et on débordait de confiance. On avait tout simplement confiance en nous, mais certains percevaient ça comme de l'arrogance et d'autres se sentaient intimidés. Il a fallu pas mal d'efforts pour tous apprendre à communiquer, à se faire confiance et à se mettre sur la même longueur d'onde. »
« Je pensais qu'on pourrait y arriver en 1999. On pensait pouvoir se rendre jusqu'au bout et on s'était préparés pour ça. On y croyait. » Cette année-là, les Gee-Gees ont perdu en finale de la Conférence Ontario-Québec de Football Inter-Collégial (OQIFC) à l'Université Laval.
« Quand on est revenus en 2000, tout était parfait. » Il explique : « La chimie était incroyable. On était dans une zone à part, dans une bulle impénétrable. On était tellement déterminés, tellement forts. »
En 2000, les Gee-Gees ont dominé tant à l'attaque qu'à la défense. Ils ont terminé la saison régulière avec une fiche de victoires de 7-1 et une fiche de points de 292-52.
Frantz Jacques est l'un de trois Gee-Gees à avoir été nommé membre de la première équipe d'étoiles canadiennes cette année-là. Sa vitesse exceptionnelle lui a permis de se classer au troisième rang de l'équipe pour les plaqués (31) et il a effectué une interception contre McGill. En dehors du terrain, il motivait ses coéquipiers par ses discours d'avant-matchs mémorables.
« Je parlais toujours à l'équipe. J'en ai fait, des discours. Celui de la partie contre Laval et celui de la Coupe Vanier, c'était les meilleurs parce qu'ils venaient du cœur. Ils étaient vrais, chargés d'émotion et rassembleurs. »
La charge émotive de la Coupe Vanier de 2000, Frantz l'a vécue différemment de ses coéquipiers, puisqu'après deux plaqués et une passe rabattue, il a dû quitter le terrain au troisième quart en raison d'une blessure au genou. « J'étais heureux, mais je ne pouvais pas en profiter pleinement. Je vivais un mélange de douleur, de tristesse et de peur. »
Il a fallu près de deux ans à l'athlète pour retrouver sa forme. En 2002, à sa dernière saison avec l'Université d'Ottawa, il a été nommé membre de l'équipe d'étoiles des SUO. Il avait cumulé 21 plaqués et 1 interception et il était l'un des seuls vétérans au champ arrière. Cela lui a donné un aperçu de son avenir, puisqu'il allait bientôt aider des joueurs de football encore plus jeunes en tant qu'enseignant, entraîneur et mentor.
En effet, Frantz Jacques a participé à la création de l'équipe de football de l'École Polyvalente Le Carrefour de Gatineau, dont il est l'entraîneur-chef depuis plus de quinze ans. Il a également été entraîneur au Cégep de l'Outaouais et a travaillé comme coordonnateur d'activités à la Clinique d'insuffisance cardiaque de l'Outaouais et aux services à l'enfance de Gatineau. Il s'efforce toujours d'être un modèle de positivisme et de montrer qu'il croit en autrui.
« On apprend beaucoup en tant qu'entraîneur, et les jeunes apprennent beaucoup de nous. De nos jours, les enfants sont à la recherche de mentors pour les aider. Ils sont prêts à travailler fort pour atteindre leurs objectifs, mais ils ont besoin que quelqu'un croie en eux. J'ai reçu l'aide de mentors dans le passé. Il y a toujours des gens pour aider ceux qui sont prêts à faire les efforts nécessaires pour réussir. Ma priorité, c'est de m'assurer que les enfants sont en sécurité pour qu'ils puissent se sentir motivés. Je pense que je les aide à se forger un caractère – soyez honnête, reconnaissant, heureux… pas timide, ne vous mettez pas de limites. »
En apprenant qu'il allait être intronisé au Temple de la renommée du football des Gee-Gees, Frantz Jacques a eu besoin de se rappeler ses propres leçons.
« Lorsque Steve Alexandre a été intronisé, c'est comme si je l'avais été aussi, et je sais que je ne suis pas le seul. » Après avoir pris une pause pour se ressaisir : « On représente beaucoup de gars dont on dit qu'ils n'ont aucune chance. »
Frantz Jacques n'a pas cette opinion de quiconque.
« Même quand je jouais, je disais allez, on le fait. Je crois en toi. Je crois en tout le monde. »